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Sanctions Internationales : Contenu Des Mesures Restrictives Reinstaurees Par L’union Europeenne Contre L’iran

Briefing
03 October 2025
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Dans le sillage du “snapback” intervenu le 27 septembre (votre notre Briefing à ce sujet), l’Union Européenne (UE) a publié le 29 septembre 2025 trois règlements qui rendent effective la remise en vigueur des sanctions contre l’Iran au titre de son programme nucléaire.

L’UE avait précisé bien avant le déclenchement de la procédure de “snapback” que si celle-ci était mise en Å“uvre, elle rétablirait les sanctions précédemment levées, laissant entendre un retour au statu quo ante, mais sans certitude quant à la parfaite identité des nouvelles sanctions avec celles précédemment levées. A la lecture du nouveau Règlement 2025/1975 du 29 septembre 2025, il apparaît que le législateur européen a effectivement procédé à une remise en vigueur presque à l’identique des sanctions qui existaient avant 2016.

Juridiquement, ces mesures sont réinscrites dans le Règlement 267/2012 du 23 mars 2012 concernant l’adoption de mesures restrictives contre l’Iran, qui était resté en vigueur pour certaines dispositions ponctuelles non concernées par les accords de Vienne.

Comme tout règlement européen, les mesures édictées sont d’application directe, et ce notamment dans tout le territoire de l’UE, ainsi qu’à tout ressortissant de l’UE (même en dehors de l’UE), ou encore à toute personne morale établie selon le droit d’un Etat membre (y compris pour ses activités en dehors de l’UE).

Mesures restrictives portant sur les biens et services

Sont prévues en premier lieu de nombreuses restrictions à l’exportation et/ou à l’importation1, et l’on peut notamment relever :

  • L’interdiction d’exporter et l’interdiction d’importer des biens et technologies à double usage tels que visés en annexe du Règlement ;
  • La nécessité d’obtenir une autorisation pour exporter des biens et technologies qui sont susceptibles de contribuer à certains aspects du programme nucléaire (et qui ne sont pas à double usage), tels que visés en annexe du Règlement ;
  • L’interdiction d’exporter des biens et technologies destinés aux secteurs de l’industrie du pétrole et du gaz en Iran, tels que visés en annexe du Règlement ;
  • L’interdiction d’exporter des biens et technologies dans le domaine naval, destinés à la construction, à l’entretien ou à la remise en état des navires, notamment pour la construction de pétroliers, tels que visés en annexe du Règlement ;
  • L’interdiction d’exporter des logiciels qui présentent un intérêt pour les industries contrôlées par le Corps des gardiens de la révolution islamique, ou pour le programme nucléaire, militaire ou de missiles balistiques de l’Iran, tels que visés en annexe du Règlement ;
  • L’interdiction d’importer du pétrole brut, des produits pétroliers, des produits pétrochimiques ou du gaz naturel s’ils sont originaires d’Iran ou ont été exportés d’Iran ;
  • L’interdiction de vendre ou d’acheter de l’or, des métaux précieux et des diamants, tels que visés en annexe du Règlement ;
  • L’interdiction d’exporter vers l’Iran du graphite et des métaux bruts ou semi-finis, tels que visés en annexe du Règlement ;
  • L’interdiction de vendre des pièces frappées et des billets libellés en monnaie iranienne nouvellement imprimés ou non émis, à la Banque centrale d’Iran ou à son profit.

Ces interdictions sont en règle générale accompagnées d’une interdiction de fournir certains services, tels que le courtage, l’assistance technique, l’aide financière et l’assurance, en lien avec les biens et technologies visés ou leur fourniture.

Diverses exceptions ponctuelles sont prévues dans le Règlement. Ainsi par exemple, il reste possible de fournir des assurances de responsabilité civile et de responsabilité environnementale, ainsi que des produits de réassurance, pour les importations de pétrole ou de produits pétrochimiques jusqu’au 1er janvier 2026.

Le Règlement prévoit aussi, dans un certain nombre de cas, une période permettant de poursuivre l’exécution des contrats conclus avant la remise en vigueur de ces sanctions (donc avant le 30 septembre 2025), dans la limite d’une date butoir fixée au 1er janvier 2026.

Mesures restrictives portant sur les activités financières

Par ailleurs, le Règlement prévoit des restrictions dans le domaine du financement d’entreprise.

En particulier, il est interdit d’octroyer un prêt ou un crédit, de prendre une participation dans ou de créer une coentreprise avec toute entité ou personne iranienne qui se livre à certaines activités, telles que la fabrication de biens ou technologies figurant dans la liste commune des équipement militaires ou de biens à double usage, l’exploration ou la production de pétrole brut et de gaz naturel, ou encore à des activités dans le secteur pétrochimique. Il est important de souligner que l’interdiction vise toute entité ou personne qui répond à ces critères, et non des entités ou personnes nommément désignées dans une annexe du Règlement.

Il est également interdit d’accepter que des personnes ou entités iraniennes octroient un crédit, ou acquièrent ou augmentent une participation dans une entreprise qui se livre à l’extraction d’uranium, l’enrichissement ou le retraitement de l’uranium, ou la fabrication de biens ou technologies figurant sur la liste du groupe des fournisseurs nucléaires ou du régime de contrôle de la technologie des missiles.

Des restrictions particulières visent les transferts de fonds. Ils sont en principe interdit entre les établissements financiers et de crédit européens et leurs homologues en Iran. Si des exceptions importantes sont prévues (notamment dans le cadre de contrats commerciaux spécifiques, ou encore pour les transferts de fonds individuels), les transferts peuvent alors néanmoins être dans certains cas conditionnés à une notification voire soumis à régime d’autorisation préalable.

Mesures restrictives portant sur l’assurance et la réassurance

Au titre des restrictions portant sur les services financiers, sont aussi visés les produits d’assurance et de réassurance (ainsi que les services de courtage).

Il est ainsi interdit de fournir ou de proposer ces produits à l’Iran, son gouvernement et ses organismes, entreprises et agences publics, mais aussi plus largement à toute personne ou entité iranienne autre qu’une personne physique. Restent toutefois autorisées, parmi d’autres exceptions, la fourniture de services d’assurance obligatoire et d’assurance de responsabilité civile aux personnes et entités iraniennes basées dans l’UE, ainsi que la fourniture d’une assurance au propriétaire d’un navire, d’un aéronef ou d’un véhicule affrété par l’Iran, son gouvernement ou ses organismes, entreprises et agences publics, ou toute entité iranienne.

La prorogation ou le renouvellement des contrats d’assurance ou de réassurance conclus avant le 30 septembre 2025 sont interdits, mais le respect des contrats conclus avant cette date n’est pas interdit (sous réserve des dispositions relatives au gels d’avoirs).

Mesures restrictives portant sur les services aux navires et aéronefs

En matière de transport, le Règlement prohibe toute une gamme de services à destination des navires ou aéronefs appartenant à ou contrôlés par une personne ou entité iranienne, si le prestataire soupçonne que le moyen de transport en question transporte des biens dont la fourniture, la vente, le transfert ou l’exportation sont prohibées par ce même Règlement.

Sont également prohibés nombre de services pour les pétroliers et navires de transport de marchandises sous pavillon iranien ou qui appartiennent à, sont contrôlés ou exploités par, une personne ou entité iranienne, notamment les services de classification, de supervision de la conception, construction ou réparation de navire, l’inspection, l’essai et la certification de matériaux ou équipements marins, ou encore les visites, inspections et audits ainsi que la délivrance des certificats de conformité au nom de l’Etat du pavillon.

Mesures de gels d’avoirs

Le Règlement comprend également des mesures de gels des avoirs visant de nombreuses personnes et entités listées en annexe. Les listes de personnes faisant l’objet de ces mesures de gel sont portées par les règlements d’exécution 2025/1980 et 2025/1982. Globalement, il s’agit des personnes qui étaient déjà visées avant la levée des sanctions, avec quelques ajouts.

Recommandations

La “nouveauté” des mesures réinstaurées par l’UE est très relative, puisque l’on revient en substance à l’état de la réglementation qui était en vigueur en 2015.

Néanmoins, ces mesures s’inscrivent dans un contexte dans lequel, depuis près de dix ans, les opérateurs avaient eu la possibilité de reprendre des relations commerciales et financières assez libéralisées avec l’Iran et ses ressortissants. Il existe donc aujourd’hui de nombreuses situations contractuelles ou opérationnelles qui devront être dénouées, soit en urgence si elles n’entrent pas dans l’une des périodes transitoires, soit dans les délais impartis par le Règlement. Il est essentiel pour les opérateurs relevant de la réglementation de l’UE de procéder très rapidement à un état des lieux pour prendre les mesures qui s’imposent pour se mettre en conformité.

Plus généralement, les opérateurs doivent désormais faire preuve d’une vigilance particulièrement élevée dans l’analyse de leurs expositions potentielles en lien avec l’Iran, compte-tenu de l’ampleur et de la complexité des mesures édictées par l’UE.

Note de bas de page

  1. Les restrictions dites “à l’exportation et à l’importation” selon le chapitre II du Règlement désignent aussi plus largement la vente, la fourniture ou le transfert (exportation) et l’achat ou le transport (importation).