Retour sur l’obligation d’information Mai 2018
En septembre dernier, nous vous présentions la nouvelle obligation faite à l’ensemble des sociétés immatriculées auprès du Registre du Commerce et des Sociétés (à l’exception des sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé) de déposer auprès de ce Registre du Commerce et des Sociétés, une déclaration relative à l’identité de leur(s) bénéficiaire(s) effectif(s).
Nous évoquions la publication à venir d’un décret supplémentaire ayant pour but d’expliciter la notion de contrôle mais aussi de prévoir une méthode de détermination par défaut. Le décret n°2018-284 en date du 18 avril 2018 a modifié en ce sens l’article R. 561-1 du Code monétaire et financier.
Pour rappel, toutes les entités immatriculées auprès d’un Registre du Commerce et des Sociétés ont l’obligation, au moment de leur constitution, ou le cas échéant depuis le 1er avril 2018, en cours de vie sociale, de déclarer l’identité de leur bénéficiaire effectif, c’est-à-dire la ou les personnes physiques détenant, directement ou indirectement, plus de 25% du capital ou des droits de vote, ou qui exerce(nt) par tout autre moyen un pouvoir de contrôle1.
Le décret du 18 avril 2018 apporte deux précisions importantes concernant la définition du bénéficiaire effectif: la première porte sur la notion de contrôle, la seconde est relative à la détermination de la personne physique devant être déclarée en qualité de bénéficiaire effectif lorsque les critères de détention du capital et des droits de vote ou de contrôle ne permettent pas d’identifier un bénéficiaire effectif personne physique.
Le critère lié à la notion de contrôle précisé
L’article R.561-1 du Code monétaire et financier précise désormais que le bénéficiaire effectif d’une société est:
- soit “la ou les personnes physiques détenant, directement ou indirectement, plus de 25% du capital ou des droits de vote”;
- soit la ou les personnes physiques qui “exercent par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur la société au sens des 3° et 4° du I de l’article L. 233-3 du Code de commerce”.
Si le premier critère de détermination du bénéficiaire reste donc inchangé, en revanche, le second critère relatif au contrôle est modifié.
La référence au pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d’administration ou de direction de la société est remplacée par la référence à la notion de contrôle au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce. Sont ainsi désormais visées les hypothèses dans lesquelles:
- une personne physique ou morale détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de la société (article L. 233-3, I, 3° du Code de commerce);
- une personne physique ou morale est associée ou actionnaire d’une société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance de cette société (article L. 233-3, I, 4° du Code de commerce).
Au contraire de l’ancienne rédaction de l’article R. 561-1 du Code monétaire et financier, moins précise et qui permettait donc d’appréhender largement le pouvoir de contrôle, la nouvelle rédaction, en faisant référence à un article spécifique et connu (puisqu’il y est régulièrement fait référence dans les actes relatifs au fonctionnement des sociétés de type statuts ou pacte) du Code de commerce, permet désormais de définir précisément la notion de contrôle, et donc de restreindre les hypothèses envisageables au titre de ce contrôle. En effet, pour remplir ce second critère, la personne physique doit désormais soit disposer de droit de vote, soit être associée ou actionnaire de la société.
La désignation par défaut du représentant légal en qualité de bénéficiaire effectif
Le décret du 18 avril 2018 lève également les incertitudes qui existaient lorsque ces deux premiers critères ne permettaient pas d’identifier une personne physique en qualité de bénéficiaire effectif.
Par exemple, un doute existait lorsqu’une société assujettie à l’obligation de déclaration était détenue à 100% par une autre société, personne morale, dont les titres étaient admis aux négociations sur un marché réglementé et pour laquelle il était impossible d’identifier un actionnaire détenant plus de 25% du capital ou des droits de vote, ou exerçant un pouvoir de contrôle.
Jusque là, en cas d’impossibilité d’identifier une personne physique en qualité de bénéficiaire effectif, il était possible de déclarer le représentant légal de la société déclarante, malgré l’absence de toute base légale en droit français.
En effet, la directive européenne 2015/849 du 20 mai 2015 impose aux Etats-membres de prévoir un système d’identification des bénéficiaires effectifs selon lequel, lorsqu’une société ne peut identifier un ou plusieurs bénéficiaires effectifs, elle doit déclarer son dirigeant principal. De plus, le formulaire de déclaration type fourni par les greffes des tribunaux de commerce offrait déjà la possibilité de déclarer le représentant légal de la société déclarante en qualité de bénéficiaire effectif.
Désormais, grâce au décret du 18 avril 2018, une méthode d’identification par défaut du bénéficiaire effectif, lorsque les critères de détention capitalistique ou relatif au pouvoir de contrôle, ne sont pas suffisants, est intégrée en droit français. L’article R. 561-1 du Code monétaire et financier prévoit que la personne représentant légalement la société déclarante devra être déclarée en qualité de bénéficiaire effectif. Ainsi, selon la forme sociale de la société déclarante, ce sera être le gérant, le directeur général ou le président de celle-ci (ou leur équivalent en droit étranger si la société n’est pas immatriculée en France).
Il convient de souligner que les dispositions du décret du 18 avril 2018 concernant les bénéficiaires effectifs sont entrées en vigueur dès le 21 avril 2018.
Retours d’expérience sur les premiers dépôts de déclaration
De nombreuses sociétés ont vu leur déclaration sur les bénéficiaires effectifs rejetée par le greffe du tribunal de commerce. En effet, les greffiers ont été très attentifs au contenu des déclarations.
Un des principaux motifs de refus d’enregistrer la déclaration de bénéficiaire effectif est l’absence de concordance entre les informations déclarées et les informations dont dispose déjà le greffe et qui figurent sur l’extrait K-bis.
Par exemple, la déclaration en qualité de bénéficiaire effectif d’un associé d’une société civile alors que celui-ci n’apparaît pas sur l’extrait K-bis sera vraisemblablement rejetée par le greffe. De même, les déclarations, en qualité de bénéficiaire effectif, d’un associé ou d’un dirigeant qui contenaient une adresse pour ces derniers différente de celle précisée sur l’extrait K-bis ont été largement refusées par les greffes des tribunaux de commerce.
Certaines sociétés ont également vu leur déclaration rejetée au motif qu’un associé détenant 100% du capital de la société avait été déclaré comme bénéficiaire effectif alors que la société déclarante était enregistrée auprès du greffe comme une société pluripersonnelle.
Il est donc important de procéder auprès du greffe compétent à la mise à jour des informations contenues dans l’extrait K-bis, voire de procéder au changement de forme sociale de la société devenue unipersonnelle le cas échéant.
Par ailleurs, certaines déclarations mentionnant le représentant légal de la société en qualité de bénéficiaire ont été rejetées par les greffes. En effet, le formulaire type suggéré par les greffes des tribunaux de commerce offre seulement la possibilité de cocher une case afin de désigner le représentant légal. Contrairement aux autres personnes physiques pouvant être désignées comme bénéficiaire effectif, le formulaire ne prévoit pas la possibilité de donner des informations complémentaires permettant de justifier ce choix. Il convient alors d’annexer librement au formulaire tout document permettant de justifier la désignation du représentant légal.
Le décret du 18 avril 2018, s’il donne une base légale à la déclaration du représentant légal en qualité de bénéficiaire effectif, n’apporte cependant aucune précision concernant les pièce justificatives à fournir au greffe, ce qui est source d’incertitudes et génère nécessairement des rejets de la part du greffe.
Il convient également de préciser que certains greffes ont fait face à une masse de dépôts de déclaration qu’ils ont mis plus ou moins de temps à absorber. Les retours sur les déclarations déposées avant le 1er avril 2018 sont donc transmis au fur et à mesure. Il est à espérer que le décret du 18 avril 2018 permettra aux greffes un traitement plus rapide des déclarations.
En conclusion, à la lecture des premiers retours des greffes sur les déclarations de bénéficiaire effectif il est fortement conseillé, lors des futures déclaration, (i) d’être vigilants et de veiller à ce que les informations contenues dans la déclaration soient en adéquation avec celles mentionnées sur l’extrait K-bis et (ii) en cas de déclaration du représentant légal de la société déclarante en qualité de bénéficiaire effectif, d’annexer à la déclaration des pièces justificatives permettant réellement de démontrer que les deux premiers critères de l’article R.561-1 du Code monétaire et financier n’ont pas permis d’identifier de bénéficiaire effectif.
Note de bas de page
- Pour plus de détails sur cette obligation, vous pouvez consulter notre briefing publié sur notre site internet en septembre 2017: http://www.hfw.com/La-nouvelle-obligation-d-information-relative-aux-beneficiaires-effectifs-Septembre-2017.
Download a PDF version of ‘Retour sur l’obligation d’information Mai 2018’