Coronavirus: Tourisme et transport de passagers – Update
Depuis la publication de notre Client Briefing le 17 mars, la situation sanitaire s’est hélas dramatiquement aggravée à travers le monde. Les mesures de confinement ont été renforcées dans la plupart des pays d’Europe (cf. pour la France le Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus) qui est désormais l’un des principaux foyers de la pandémie
Des mesures ont été prises au plan européen comme national dans chaque pays pour adapter le cadre juridique des activités (santé, activité judiciaire, investissements, contrats publics, droit du travail, délais) aux plans de lutte prophylactiques contre la propagation du Covid19.
Dans ce contexte, de nouvelles mesures ont été adoptées au plan européen et national, en matière de transport de passagers et de tourisme.
Force majeure et Covid19 : premières décisions
Les ordonnances prises par le Gouvernement en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (imposant un état d’urgence sanitaire sur tout le territoire national jusqu’au 24 mai au moins) n’ont pas abordé ce sujet, qui ne relève du reste pas du domaine de la loi mais du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond (et du domaine de la liberté contractuelle).
On peut à cet égard relever, dans des domaines étrangers au tourisme ou au transport de passagers, quelques décisions qualifiant la situation actuelle de force majeure. La Cour d’appel de Colmar (4 arrêts : 23 mars – n° 20/01206 et 20/01207, 16 Mars 2020 – n° 20/01143 et 12 mars 2020 – 20/01098) et celle de Douai (n° 20/00401) ont retenu – pour justifier l’absence d’un prévenu lors d’une audience en matière de rétention administrative que la pandémie en cours et les mesures de confinement prises par l’autorité publique ainsi que le degré élevé de contagion caractérisent un cas de force majeure. Ces arrêts (qui constituent à cette date à notre connaissance les seules décisions prononcées en lien avec la situation) sont toutefois à considérer avec précaution car relatives à une matière spécifique et concernent au moins pour quatre d’entre eux une région (Grand-Est) particulièrement affectée par la crise actuelle. Sur la mise en œuvre des critères de l’art. 1218 du Code civil, nous renvoyons au contenu de notre Briefing.
Transports aérien et maritime / fluvial : clarifications par l’UE
Concernant le transport de passagers, la Commission européenne a publié le 18 mars un document “Interpretative Guidelines on EU passenger rights regulations in the context of the developing situation with Covid-19” (C(2020) 1830 final) “Guidelines” proposant une interprétation (qui ne lie pas les juridictions nationales) des quatre règlements européens applicables en matière de transport (aérien, maritime, ferroviaire, autocar). Ces Guidelines excluent clairement de leur champ d’application les situations relevant de la Directive (UE) 2015/2302 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées ainsi que les dispositions nationales adoptées par les Etats pour faire face à la situation.
Pour le transport aérien, les Guidelines retiennent de manière générale (tout en précisant que cet exposé n’est pas exhaustif) que la pandémie et les situations qui en découlent peuvent recevoir la qualification de “circonstances extraordinaires” de nature à exonérer le transporteur du versement de l’indemnité forfaitaire prévue par le Règlement (CE) n° 261/2004. Il en va notamment ainsi dans les cas où des mesures prises par les autorités publiques en lien avec la lutte contre la pandémie affectent le vol considéré (interdiction de vols, restriction aux seuls nationaux etc.). Les Guidelines qualifient également de “circonstances extraordinaires” les cas dans lesquels la décision d’annuler un vol est justifiée par des motifs de protection de la santé de l’équipage. Cette précision possède son importance et il est à espérer que ce raisonnement sera adopté à l’identique par les juridictions nationales.
Les Guidelines établies par la Commission européenne abordent également la question des mesures d’assistance découlant de l’application combinée des articles 5 et 8 du Règlement (qui prévoit l’option pour le passager dont le vol est annulé entre remboursement et réacheminement dans les meilleurs délais ou à la “convenance” du passager). Si le texte des Guidelines précise que la situation sanitaire actuelle affectera immanquablement la mise en œuvre des réacheminements ainsi que l’information des passagers sur ces possibilités, les Guidelines sont trop peu éloquentes sur la mise en œuvre du remboursement. Eu égard aux répercussions économiques considérables pour le secteur du transport aérien (réévaluées à 252 milliards USD par l’IATA), il aurait été souhaitable que la Commission prenne expressément position sur la possibilité pour les transporteurs de différer les remboursements et/ou d’émettre des bons à valoir (vouchers) ou d’étendre les possibilités d’exonération à ce cas de figure. Cette absence de flexibilité a fait l’objet de vives critiques (justifiées) de la part de l’IATA et d’autres organisations du secteur. Admettre une telle possibilité permettrait d’assurer la pérennité des compagnies aérienne et, au-delà, de l’économie globale du transport aérien. On peut espérer que des mesures en ce sens émaneront du gouvernement à l’heure où les compagnies aériennes françaises participent (avec le quai d’Orsay) au rapatriement de nombreux français depuis l’étranger et à l’acheminement des masques pour la lutte contre le virus.
S’agissant du transport maritime et fluvial de passagers (régi par le Règlement (UE) n° 1177/2010, les Guidelines précisent également le régime en matière d’indemnisation et d’annulation des prestations. Les clarifications de Bruxelles sont similaires à celles applicables en matière aérienne.
Ainsi, au regard de l’article 20 (4) du Règlement, la Commission retient que les mesures générales ou spécifiques (interdiction ou limitation des activités de transport) prises par les autorités nationales ou par les transporteurs pour des motifs économiques (impossibilité de maintien du transport en cas d’insuffisance de passager, sous certains conditions) ou de santé (volonté de ne pas exposer l’équipage et le personnel) sont des causes dites d'”exemption” permettant au transporteur d’être exonéré de responsabilité. Précisons que les clarifications apportées par le Commission sur ce point ne sont pas exhaustives.
Dans l’hypothèse d’une annulation ou d’un retard au départ supérieur à 90 minutes, le passager se voit offert une option entre remboursement et réacheminement. Le passager doit recevoir toutes informations disponibles concernant l’alternative prévue par le Règlement. Concernant le remboursement, on peut déplorer le même manque de souplesse et d’adaptation à la situation qu’en matière de transport aérien. Si le passager opte pour le réacheminement, les Guidelines précisent (en atténuant ainsi l’exigence de “meilleurs délais”) que le contexte peut justifier un retard important (“considerable delay”) de mise en œuvre et en matière de fourniture des informations pertinentes.
Tourisme : Ordonnance n° 2020-315 “bons à valoir”
A la demande des professionnels du tourisme et en conformité avec les lignes directrices publiées par la Commission européenne le 19 mars dernier, le Président de la République a pris, le 25 mars 2020, une ordonnance (prise en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 qui instaure l’état d’urgence sanitaire sur tout le territoire national jusqu’au 24 mai, au moins) modifiant les conditions de remboursement des voyages touristiques et séjours prévues notamment par l’article L211-14 du code du tourisme (Ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure).
Le régime dérogatoire prévu par l’ordonnance concerne les résolutions intervenues entre le 1er mars 2020 et une date antérieure au 15 septembre 2020, résultant de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure et portant sur les contrats suivants :
- Contrats de vente de voyages et de séjours et les forfaits touristiques
- Contrats portant sur des services de voyages visés par l’article L211-2, 2°, 3° et 4° et vendus par les producteurs de ces services. Il s’agit de l’hébergement, de la location de voitures ou de contrat portant sur tout autres services touristiques, à l’exclusion du transport de passagers,
- Contrats portant sur les services de voyage mentionnés au 2° et 4° du même article et vendus pas des associations organisant des accueils collectifs de mineurs à caractère éducatifs.
Pour mémoire, en cas d’annulation d’un contrat de voyages ou de séjours ou d’un forfait touristique résultant de circonstances exceptionnelles et inévitables, l’organisateur ou le détaillant doit en principe rembourser intégralement le voyageur des paiements effectués dans les 14 jours (article L211-14) ( voir notre Briefing du 17 mars 2020). Pour les autres contrats portant sur un service de voyage et vendu par le producteur lui-même (ex. hôtelier) l’article 1292 du code civil impose de la même manière le remboursement intégral.
L’ordonnance du 25 mars permet ainsi aux professionnels du tourisme de proposer, à la place du remboursement, un avoir équivalent.
Cette proposition doit être effectuée sur un support durable (notion définie par l’article L.211-2 V 2°) dans un délai de 30 jours à compter de la résolution du contrat ou, si la résolution est intervenue avant le 26 mars 2020, à compter de la date de l’ordonnance.
Dans les 3 mois suivant la notification de la résolution, les professionnels doivent par ailleurs proposer afin que le client puisse utiliser l’avoir, une prestation identique ou équivalente. Cette proposition est valable 18 mois. Pendant cette période, le client ne peut solliciter le remboursement. En cas de non réalisation de l’avoir à l’issue des 18 mois, il est procédé au remboursement.
On retiendra que:
La durée du dispositif est assez longue (1er mars – 15 septembre 2020), mais permet d’étaler les résolutions de contrats et de couvrir les séjours et voyages prévus sur la période estivale, dans l’hypothèse où ils devront également être annulés en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure.
Les professionnels doivent veiller à proposer l’avoir dans les 30 jours de la résolution du contrat. A défaut le dispositif n’est pas applicable.
Le délai à l’issue duquel le client pourra être remboursé est de 21 mois maximum à la compter de la résolution.
L’avoir ou le remboursement dû en cas de résolution d’un contrat de vente de voyages et de séjours ou d’un forfait touristique sera couvert par la garantie financière prévue par l’article L211-18.
Ne sont pas concernées les ventes de vols secs, l’agence n’étant pas tenue au remboursement dans ce cas, ainsi que les transporteurs, qui sont soumis à des règles spécifiques en matière d’annulation.
For further information, please contact:
Stéphanie Schweitzer
Partner, Paris
T +33 1 44 94 40 50
E stephanie.schweitzer@hfw.com
Jean-Baptiste Charles
Partner, Paris
T +33 1 44 94 40 50
E jean-baptiste.charles@hfw.com