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Adoptez la signature electronique en droit des societes

Briefing
27 April 2020
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En France, cela fait plus de 20 ans que la signature électronique a été consacrée par la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 (article 1367 du Code civil) qui la définit comme suit : “elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache.

En droit des sociétés, cette évolution vient d’être parachevée par le récent décret n° 2019-1118 du 31 octobre 2019 qui permet désormais aux sociétés commerciales (et civiles) d’établir ou de certifier par signature électronique les procès-verbaux des décisions de leurs associés et de certains organes sociaux, ainsi que la tenue dématérialisée des registres sociaux sur lesquels ils sont conservés.

L’épidémie de COVID-19 est l’occasion de mettre en œuvre la réforme enfin aboutie fin 2019 de la dématérialisation du droit des sociétés, et ce de façon pérenne et dorénavant sécurisée (cf. notre Client Briefing précédent d’avril afférent à la dématérialisation de la gouvernance des sociétés “de bout en bout”, y compris les livres sociaux depuis cette réforme de fin 2019).

LA SIGNATURE ELECTRONIQUE EN DROIT DES SOCIETES

La réforme en droit des sociétés: le décret du 31 octobre 2019

Jusqu’à fin novembre 2019 les textes réglementaires du Code de commerce imposaient encore d’établir les procès-verbaux des décisions des associés et des organes sociaux (et les registres sur lesquels ils sont conservés) sur un support papier, sauf pour les décisions des associés et des organes sociaux collégiaux éventuels de SAS pour lesquels les statuts pouvaient prévoir qu’ils sont actés et signés sous forme électronique.

Le décret n° 2019-1118 du 31 octobre 2019 entré en vigueur le 4 novembre 2019 étend cette possibilité aux autres sociétés commerciales (et civiles) en autorisant l’établissement ou la certification par signature électronique des procès-verbaux des décisions de leurs associés et de certains organes sociaux, ainsi que la tenue dématérialisée des registres sur lesquels ils sont conservés.

Le fondement juridique: le droit de la preuve

L’article 1367 du Code civil définit la signature électronique comme consistant “en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache” .

L’article 1366 du même Code pose le principe que l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit papier à la condition quepuisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité“.

L’article 1367 dudit Code institue une présomption en faveur de la seule signature électronique dite “qualifiée” comme définie ci-dessous: “la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique qualifiée“.

Les différents niveaux de sécurité des signatures électroniques

Le règlement européen n° 910/2014 du 23 juillet 2014 dit eIDAS (le “Règlement eIDAS”) a traité de la signature électronique uniquement au plan technique en définissant 3 niveaux de sécurité que l’on rappellera ci-dessous, étant entendu que le droit de la preuve français ne reconnait pas le premier niveau comme expliqué ci-dessous :

1) La signature électronique dite “simple”

Le terme “signature électronique” signifie de manière générale “des données sous forme électronique, qui sont jointes ou associées logiquement à d’autres données sous forme électronique“.

En pratique, la signature électronique est dite “simple” si elle ne remplit pas les conditions de l’un ou l’autre des niveaux de sécurité spécifiquement prévus par le Règlement eIDAS (cf. ci-dessous) : il peut s’agir notamment d’une simple numérisation (scan) d’une signature manuscrite ou de tout autre procédé proposé par un prestataire de signature électronique dont les exigences d’identification du signataire et/ou d’intégrité du document signé sont inférieures à celles spécifiquement prévues par les autres niveaux indiqués ci-après.

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La signature électronique dite “simple” n’est pas admise en droit des sociétés comme indiqué ci-dessous (et plus généralement n’est pas admise en droit français aux termes de la jurisprudence).

En cas de recours à une telle signature, il est donc recommandé de ratifier l’acte par une signature manuscrite.

2) La signature électronique dite “avancée

Ce niveau de sécurité repose sur le recours à des techniques de vérification de l’identité du signataire, de sécurité de la création de la signature électronique (y compris horodatage) et de préservation de l’intégrité du document signé. Les conditions suivantes doivent être cumulativement remplies (article 26 du Règlement eIDAS) :

  • la signature électronique est liée au signataire de manière unique;
  • elle permet d’identifier le signataire;
  • elle a été créée à l’aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif ; et
  • elle est liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable (i.e. l’intégrité du document signé est assurée).
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Ce niveau de sécurité est adapté à l’ensemble de la pratique des affaires pour la signature des décisions des associés en droit des sociétés comme indiqué ci-après (mais aussi de la plupart des contrats relevant de la gestion des entreprises). La jurisprudence a ainsi reconnu la validité de cette signature pour les contrats courants au regard du régime de preuve français sus-rappelé.

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Les prestataires proposent sur le marché des signatures électroniques “certifiées” qui ne correspondent à aucun concept juridique et ne doivent pas être confondues malgré leur appellation commerciale avec les signatures “qualifiées” à forte portée juridique visées ci-après. En effet il ne s’agit que de signatures électroniques “avancées” qui ont été renforcées sur le plan de l’identification mais non des autres critères requis pour les signatures “qualifiées” comme indiqué ci-après. Elles ne bénéficient donc pas de la présomption légale en matière de preuve décrite ci-après  qui n’est applicable qu’aux seules signatures “qualifiées”.

3) La signature électronique dite “qualifiée

C’est le niveau de sécurité le plus élevé: il doit répondre aux exigences des articles 28 et 29 du Règlement eIDAS telles que précisées aux Annexes I et II dudit règlement.

Il s’agit d’une signature électronique “avancée” (cf. ci-dessus) mais fortement renforcée par un niveau de sécurisation supplémentaire, notamment en ce qui concerne le “dispositif de création” de la signature, la sécurisation des documents et leur cryptage et l’ajout d’un certificat spécifique dit “certificat qualifié” émis par un prestataire habilité par l’autorité nationale compétente (l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI) en France).

Les listes nationales et la liste européenne des prestataires habilités pour les signatures électroniques qualifiées peuvent être consultées à l’adresse suivante:

https://webgate.ec.europa.eu/tl-browser/#/

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Ce niveau de signature électronique qualifiée peut être complexe à mettre en œuvre, en raison notamment de la technicité du dispositif de création de la signature électronique. En pratique, cette signature n’est pas utilisée pour les actes juridiques qui relèvent du cours normal des affaires tels que les procès- verbaux de droit des sociétés.

Ainsi elle est requise pour les marchés publics, les actes notariés et les actes d’avocats. Elle peut être utilisée pour tout acte pour lequel le risque de contestation et/ou l’enjeu commercial, juridique ou financier est élevé.

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Malgré sa complexité, c’est le seul niveau de signature électronique qui bénéficie d’une présomption de fiabilité en droit de la preuve (qui est imposée par le Règlement eIDAS (article 25) à tous les Etats membres et donc repris en droit français à l’article 1er du décret susvisé du 28 septembre 2017: “La fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique qualifiée.

Comme indiqué ci-dessus, la signature électronique qualifiée ne doit en aucun cas être confondue avec les signatures électroniques avancées vendues sur le marché sous des appellations telles que signatures “certifiées” qui ne bénéficient pas de la présomption susvisée en droit de la preuve.

En pratique: quel niveau de signature électronique des documents sociaux?

Pour l’établissement ou la certification des procès-verbaux des décisions des associés et de certains organes sociaux, ainsi que pour la tenue dématérialisée des registres sur lesquels ils sont conservés, le décret susvisé du 31 octobre 2019 exige au minimum la signature électronique avancée.

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Pour les SAS et SASU, ce niveau de signature électronique est applicable à titre supplétif lorsque les statuts ne précisent pas les modalités de la signature électronique.

Les documents établis ou certifiés par signature électronique doivent être datés de façon électronique au moyen d’un horodatage offrant toute garantie de preuve.

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Si le lieu de signature de l’acte juridique est important, pour des raisons liées aux droits d’enregistrement par exemple, l’utilisation de la signature électronique doit être écartée, sauf en cas d’enregistrement volontaire.

Documents concernés pour les SA
  • Registre de présence des réunions du conseil d’administration ou du conseil de surveillance (C. com. art. R 225-20 et R 225-47);
  • Procès-verbaux des délibérations du conseil d’administration ou du conseil de surveillance ainsi que le registre sur lequel ils sont consignés (C. com. art. R 225-22 et R 225-49);
  • Procès-verbaux des assemblées générales ainsi que le registre sur lequel ils sont consignés (C. com. art. R 225-22 sur renvoi de l’art. R 225-106).
Documents concernés pour les SAS
  • Procès-verbaux des décisions des associés (ou de l’associé unique de SASU) ainsi que le registre sur lequel ils sont consignés (C. com. art. R 227-1-1);
  • Le cas échéant, les procès-verbaux des délibérations des organes sociaux collégiaux prévus par les statuts.
Risque de preuve & Recommandations

La force probante d’un écrit dépend de la force probante de sa signature.

Si la signature électronique “qualifiée” bénéficie d’une présomption de fiabilité, elle demeure rarement utilisée en pratique en raison de sa complexité (et cette présomption reste en tout état de cause réfragable.)

La signature électronique “avancée” est suffisante pour constituer une preuve généralement admise devant les tribunaux. Les administrations telles que le registre du commerce et des sociétés, les tribunaux ou l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) l’admettent depuis longtemps. L’administration fiscale vient de l’admettre également.

En revanche, la signature électronique “simple”, correspondant en général à un scan de signature, ne permet pas de constituer une preuve et est rejetée par la plupart des administrations et les tribunaux. Elle peut au mieux constituer un « commencement de preuve par écrit » qui devra être corroboré par d’autres éléments de preuve pour avoir force probante (article 1363 du Code civil).

Recommandations pour renforcer la sécurité d’un acte juridique signé par signature électronique :

  • Ratification de l’acte a posteriori par signature manuscrite, indispensable en cas de signature électronique simple et recommandée en cas de signature électronique avancée s’il y a un risque de contestation ou s’il s’agit d’un acte dont la durée est significative.
  • Utilisation de la signature électronique avancée pour les actes et formalités de droit des sociétés (et pour toutes les formalités administratives ou tous les contrats courants de la vie des affaires).
  •  Conclusion préalable d’une convention de preuve pour la signature de tout acte complexe (tout acte signé entre parties adverses et/ou tout acte international) afin de convenir des modalités de signature électronique opposables entre les parties. Cette convention peut être intégrée dans les statuts ou le règlement intérieur pour ce qui concerne les décisions relevant du droit des sociétés (et doit être signée à l’avance en cas de signature électronique d’un contrat complexe tel qu’un pacte d’associés.)
authors
John Court
Global Director of Information Technology