La nouvelle obligation d’information relative aux bénéficiaires effectifs, Septembre 2017
Depuis le 1er août 2017, toutes les personnes morales tenues de s’immatriculer au Registre du Commerce et des Sociétés (société, groupement d’intérêt économique, association, fondation, succursale de société étrangère), ont l’obligation de déposer au Registre du Commerce et des Sociétés dont elles dépendent, au moment du dépôt de leur dossier d’immatriculation, une déclaration relative à l’identité de leurs bénéficiaires effectifs.
Cette obligation s’applique également à l’ensemble des entités déjà constituées (à l’exception cependant des sociétés dont les titres sont admis sur un marché réglementé) qui disposent d’un délai expirant le 1er avril 2018 pour se mettre en conformité.
Ces dispositions sont issues de la directive européenne 2015/849 du 20 mai 2015 (4ème directive anti-blanchiment) qui imposait aux Etats membres de créer un registre national de bénéficiaires effectifs. En France, deux textes avaient été adoptés sur le sujet, transposant de manière différente la directive, d’abord l’ordonnance n°2016-1635 du 1er décembre 2016 puis la loi Sapin II du 9 décembre 2016. Depuis l’entrée en vigueur de la loi Sapin II, il régnait une certaine incertitude sur les dispositions qui allaient prévaloir mais c’est finalement l’ordonnance du 1er décembre 2016, qui l’a emporté, avec l’adoption le 12 juin 2017 du décret n°2017-1094 pour l’application des articles L561-46 à L561-50 du Code monétaire et financier “dans leur rédaction issue de l’ordonnance n°2016-1635 du 1er décembre 2016”.
Ce décret a permis de préciser les modalités de dépôt et les informations à faire figurer dans le registre des bénéficiaires effectifs (articles R561-55 et suivants du Code monétaire et financier). Toutefois quelques incertitudes demeurent.
1. Ce que l’on sait
Il est désormais nécessaire de joindre à son dossier d’immatriculation pour le Registre du Commerce et des Sociétés, une déclaration datée et signée par le représentant légal de la société ou de l’entité juridique concernée, contenant des informations relatives à l’identité du bénéficiaire effectif personne physique, les modalités de contrôle exercé sur l’entité et la date à laquelle la ou lesdites personnes physiques sont devenues bénéficiaires effectifs.
Cette déclaration doit être déposée concomitamment à la demande d’immatriculation au Registre ou au plus tard dans un délai de 15 jours à compter de la délivrance du récépissé de dépôt du dossier.
Par ailleurs il sera nécessaire de mettre à jour l’identité du bénéficiaire effectif dans les 30 jours de tout acte rendant nécessaire une rectification (acte de cession par exemple).
C’est l’article L561-2-2 du Code monétaire et financier (disposition applicable aux entreprises assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme) qui définit la notion de bénéficiaire effectif. Il s’agit de la ou les personnes physiques qui (i) contrôle(nt) en dernier lieu, directement ou indirectement, le client, ou (ii) pour laquelle une opération est exécutée ou une activité exercée. Les articles R561-1 à R561-3 précisent cette notion. En particulier pour les sociétés, l’article R561-1 prévoit actuellement que le bénéficiaire effectif d’une opération est :
- la ou les personne(s) physique(s) qui soit détien(nen)t, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote de la société, ou
- exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d’administration ou de direction de la société ou sur l’assemblée générale de ses associés.
Autrement dit, il est désormais nécessaire de remonter au bénéficiaire ultime, personne physique de l’entité concernée, pour pouvoir compléter l’information relative aux bénéficiaires effectifs, processus qui peut s’avérer compliqué pour un groupe qui pratique les détentions capitalistiques en cascade, voire pour une société tête de groupe cotée à l’étranger.
Il est à noter que l’article R561-1 du Code monétaire et financier doit être modifié prochainement concernant la notion de bénéficiaire effectif. Ainsi l’ANSA indique dans sa communication du 19 juin 2017 que le projet de décret a pour ambition d’expliciter la notion de contrôle et prévoirait une méthode de détermination par défaut.
Ainsi le bénéficiaire effectif serait “la ou les personnes physiques qui soit détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote, soit exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle au sens des 3° et 4° du I. de l’article L233-3 du Code de commerce”. Le décret ajouterait que “lorsqu’aucune personne physique n’a pu être identifiée en application de ces critères, et que l’entité assujettie n’a pas de soupçon de blanchiment ou de financement du terrorisme, à l’encontre du client, le bénéficiaire effectif est le représentant légal. (…) Lorsque ce représentant légal est une personne morale, le bénéficiaire effectif est le représentant légal de cette dernière (jusqu’à remonter à une personne physique)”.
Les greffes des Tribunaux de commerce ont communiqué début août, un formulaire de déclaration intégrant déjà cette méthode de détermination par défaut.
Les informations déposées ne seront pas accessibles à tous. Le décret fixe ainsi la liste des autorités qui pourront faire la demande de ce document. Cela recouvre notamment les magistrats de l’ordre judiciaire, les agents des douanes, la Direction Générale des Finances Publiques ou encore les personnes assujetties à l’obligation de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Le non-respect de ces dispositions est puni de 6 mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende (article L561-49 du Code monétaire financier), étant précisé que le Président du Tribunal pourra enjoindre à toute entité concernée, de se conformer à cette obligation de déclaration.
En pratique et au vu du délai de régularisation expirant le 1er avril 2018, il est recommandé aux sociétés existantes de démarrer dès à présent le travail de collecte de l’information relative au(x) bénéficiaire(s) effectif(s) afin d’être en mesure de se conformer à cette nouvelle obligation d’ici l’année prochaine.
2. Les incertitudes
A ce stade plusieurs incertitudes demeurent sur la nature et l’étendue de l’information à communiquer au greffe.
A priori nous serions tentés de considérer que l’information peut être relativement limitée au vu du modèle établi par les greffes des Tribunaux de commerce. En effet il s’agit d’un formulaire dans lequel il convient de compléter des informations sommaires relatives à la société déclarante et au bénéficiaire effectif (nom, date de naissance, adresse de domicile, nationalité) puis concernant les modalités de contrôle. Sur ce sujet le plus sensible, il convient de cocher une case sur le type de contrôle (détention du capital / des droits de vote ou influence sur les organes d’administration ou l’assemblée) et de compléter la date à laquelle la personne est devenue bénéficiaire effectif. Un formulaire par bénéficiaire doit être déposé selon le modèle du greffe.
Toutefois la lecture de l’article L561-47 du Code de commerce laisse penser que le dépôt du formulaire pourrait ne pas être suffisant. Il est ainsi indiqué que le greffe vérifie que les informations relatives aux bénéficiaires effectifs, correspondent “aux pièces justificatives et pièces déposées en annexe”. Aucune précision n’est donnée concernant les pièces concernées. Cela signifie-t-il qu’en cas de changement de contrôle il conviendrait de déposer une copie de l’acte de cession ?
De même il convient d’indiquer la date à laquelle la personne est devenue bénéficiaire effectif. Lorsqu’une fusion ou une cession d’actions ou de parts a été réalisée, il sera aisé de renvoyer à la date à laquelle l’opération est effective. Toutefois qu’en est-il dans l’hypothèse où aucun bénéficiaire effectif n’a pu être identifié et qu’il convient de se référer au représentant légal ? Seule la date de nomination comme mandataire social parait adaptée.
Au vu de ces incertitudes, nous ne pouvons que recommander, à ce stade, l’utilisation du formulaire circularisé par les greffes des Tribunaux de commerce à faire dater et signer par le représentant légal de la société concernée.
Par ailleurs dans l’hypothèse d’un groupe de sociétés (avec des détentions en cascade), il semble opportun de déposer un organigramme simplifié du groupe afin d’expliquer la chaîne de détention capitalistique et le niveau auquel se situe le bénéficiaire effectif par rapport à la société considérée.
Lorsque le bénéficiaire ultime personne morale est une société cotée, il est recommandé d’intégrer d’ores et déjà la méthode de détermination par défaut prévu par le prochain décret à intervenir et de renvoyer ainsi au représentant légal de la société.
Seuls les premiers dépôts au greffe permettront d’affiner la liste des informations et documents à déposer pour la détermination de l’identité des bénéficiaires effectifs au vu du contrôle qui sera effectué par les greffiers. Dans l’intervalle, la prudence est de mise…
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