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Défaut de performance énergétique : nouveau texte, nouvelles questions, Octobre 2015

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, en insérant dans le Code de la Construction et de l’Habitation un nouvel article L111-13-1, est venue préciser les conditions dans lesquelles la responsabilité décennale des constructeurs est susceptible d’être engagée en cas de défaut de performance énergétique d’un bâtiment.

La multiplication des exigences en matière de performance énergétique des bâtiments a généré, ces dernières années, un contentieux récurrent sur l’application de la garantie décennale lorsque l’ouvrage est affecté d’un défaut de performance énergétique.

Dans ce cadre, la Cour de Cassation a été amenée à confirmer qu’un défaut de performance peut être qualifié de dommage de nature décennale dès lors qu’il rend l’ouvrage impropre à sa destination (voir par exemple : Cass. Civ. 3ème, 27 septembre 2000, n°98-22.243 ; Cass. Civ. 3ème, 8 octobre 2013, n°12-25370).

Il était toutefois difficile de déterminer quels critères étaient pris en compte par les juges pour considérer qu’un défaut de performance énergétique constituait un dommage de nature décennale, en l’absence de toute définition précise de la notion d’impropriété à destination.

Ces critères sont désormais énoncés à l’article L.111-13-1 du Code de Construction et de l’Habitation (CCH), qui dispose :

“En matière de performance énergétique, l’impropriété à la destination, mentionnée à l’article L. 111-131, ne peut être retenue qu’en cas de dommages résultant d’un défaut lié aux produits, à la conception ou à la mise en œuvre de l’ouvrage, de l’un de ses éléments constitutifs ou de l’un de ses éléments d’équipement conduisant, toute condition d’usage et d’entretien prise en compte et jugée appropriée, à une surconsommation énergétique ne permettant l’utilisation de l’ouvrage qu’à un coût exorbitant.”

Ainsi, la responsabilité de plein droit des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale ne pourra être engagée qu’en présence d’une surconsommation d’énergie ayant pour origine un défaut du bâti (au sens large) et ne permettant l’utilisation de l’ouvrage qu’à un coût exorbitant.

L’impropriété à destination d’un ouvrage affecté d’un défaut de performance ne sera donc désormais retenue qu’en cas de démonstration par le Maître d’ouvrage des éléments suivants :

  • Un défaut du bâti

    Les catégories de défauts mentionnés par l’article L. 111-13-1 CCH sont larges et recouvrent aussi bien un défaut de conception qu’un défaut d’exécution des travaux ou encore un défaut inhérent aux produits mis en œuvre lors de l’opération de construction. A titre d’exemple, le non-respect de la réglementation thermique, et plus particulièrement de la RT 2012, pourra donc être constitutif d’un défaut au sens du nouvel article L. 111-13-1 CCH dès lors qu’il pourra être rattaché à un défaut de conception ou de mise en œuvre de l’ouvrage.

  • Une utilisation de l’ouvrage ne pouvant se faire qu’à un coût exorbitant à cause de ce défaut

    La simple preuve d’une surconsommation énergétique ne suffira pas à faire jouer la présomption de responsabilité des constructeurs prévue à l’article 1792 du Code civil ; encore faudra-t-il :

    • que cette surconsommation soit causée par le défaut du bâti
    • que cette surconsommation engendre un surcoût d’utilisation “exorbitant”

L’ampleur du surcoût d’utilisation supporté par l’utilisateur de l’ouvrage semble ainsi être le critère déterminant pour caractériser l’impropriété à destination d’un ouvrage présentant un défaut de performance énergétique. Ce n’est que si ce surcoût est exorbitant que la responsabilité décennale du constructeur pourra être mise en cause. A défaut, seule la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur pourra être engagée.

La rédaction de l’article L111-13-1 CCH met donc en lumière la volonté du législateur de limiter la mise en cause de la responsabilité civile décennale des constructeurs en matière de performance énergétique aux désordres ayant les conséquences financières les plus lourdes, et non pas aux malfaçons les plus graves.

Cette volonté est d’ailleurs confirmée par la modification apportée au texte de loi au cours des débats parlementaires : la version initiale du texte disposait que l’impropriété à destination serait caractérisée dès lors que l’utilisation de l’ouvrage ne pouvait se faire “à un coût raisonnable” ; la notion de “coût exorbitant” finalement retenue est bien plus restrictive.

Le terme “exorbitant” donnera sans aucun doute lieu à d’intenses débats jurisprudentiels.

En effet, est exorbitant ce qui est particulièrement excessif. Mais quels critères le Juge devra-il prendre en compte pour déterminer si le surcoût d’utilisation est particulièrement excessif ? Ce qui était conventionnellement prévu ? Ce qu’il est courant de supporter pour un bâtiment de même type ? Les capacités financières du Maître d’ouvrage et les variations du coût de matières premières devront-elles être prises en compte ?

Il est certain en tout cas que le juge devra tenir compte de la manière dont l’ouvrage est utilisé et entretenu.

L’article L. 111-13-1 CCH précise en effet que la surconsommation énergétique doit être appréciée au regard des conditions d’usage et d’entretien de l’ouvrage, qui doivent être “appropriées”. Cependant, ce terme est également imprécis et devra être interprété par les tribunaux.

Se pose en outre la question de la charge de la preuve du caractère approprié des conditions d’usage et d’entretien de l’ouvrage. Si cette charge pèse sur le Maître d’Ouvrage, comme le libellé du texte pourrait permettre de le penser, il s’agirait d’une spécificité notable puisque, pour les autres désordres de nature décennale, la situation est inverse : le mauvais usage ou le mauvais entretien de l’ouvrage est une cause d’exonération du constructeur, dont la preuve incombe à ce dernier.

Enfin, à supposer que l’usage ou l’entretien de l’ouvrage ne soient pas appropriés, le maître de l’ouvrage pourra-t-il obtenir une réparation, à tout le moins partielle, en démontrant que, même si l’usage ou l’entretien avaient été corrects, il y aurait eu une surconsommation énergétique ?

Le nouvel article L. 111-13-1 CCH, qui devait venir clarifier le régime de responsabilité des constructeurs en cas de défaut de performance énergétique, suscite donc de nombreuses questions d’interprétation qui rendront sa mise en œuvre délicate.

Les plaideurs ont encore de beaux jours devant eux…

Comments

  1. L’article L. 111-13 du Code de la Construction et de l’Habitation reprend à l’identique le texte de l’article 1792 du Code civil

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